Novaya Zemlya : des essais de missile à propulsion nucléaire agitent l’Arctique russe

Le 24 août 2025, des signaux convergents ont révélé une activité militaire exceptionnelle sur l’archipel de Novaya Zemlya, au nord du cercle polaire arctique. Au cœur de ce dispositif, un objectif stratégique : de nouveaux essais du missile nucléaire russe Burevestnik.

Déploiement militaire massif autour de Novaya Zemlya

L’intensification du trafic aérien à la base de Rogachevo, sur l’île sud de l’archipel de Novaya Zemlya, constitue le signe tangible d’une opération militaire de grande envergure. D’après une analyse détaillée de The Barents Observer, plusieurs aéronefs aux fonctions spécialisées ont été observés au sol ou en vol entre le 1er et le 21 août 2025, confirmant une mobilisation sans précédent depuis des années.

Parmi les appareils identifiés figure un Beriev A‑50U, avion de détection et de surveillance radar, ayant quitté la base de Severny, près d’Ivanovo. Son déploiement dans la région est rare et indique une surveillance sophistiquée des trajectoires aériennes. À ses côtés, un Il‑76, un Antonov An‑72, un An‑26 ainsi que deux chasseurs Su‑35S ont été enregistrés. Ces avions sont accompagnés d’au moins huit hélicoptères militaires, qui assurent des liaisons logistiques vers les sites sensibles de Pankovo et Severny, ce dernier ayant servi historiquement aux essais nucléaires soviétiques.

Le dispositif est complété par deux avions Il‑976 SKIP, appareils spécialisés exploités par Rosatom pour suivre les essais de missiles à propulsion nucléaire. Ces avions sont équipés pour détecter et analyser les rejets radioactifs, ainsi que pour suivre les vols d’armes non conventionnelles.

Des essais du missile Burevestnik imminents

Les essais en préparation semblent concerner le missile 9M730 Burevestnik, un engin de croisière à propulsion nucléaire développé par la Russie depuis 2017. Capable, selon Moscou, de parcourir des distances « pratiquement illimitées », ce missile représente un axe technologique majeur de la stratégie militaire russe. Son moteur nucléaire, dit à cœur ouvert, pose d’importants risques de pollution radioactive.

Depuis le début du mois d’août, plusieurs indices confirment que le site de lancement historique de Pankovo, situé à environ 170 kilomètres au nord de Rogachevo, est en phase de réactivation. Une alerte à la navigation maritime a été publiée pour la zone ouest de l’archipel, interdisant toute présence civile jusqu’au 25 août. Cette fermeture concerne un couloir de 500 kilomètres de long, selon une note officielle consultée par The Barents Observer.

Le 24 août, 9 navires ont été détectés à proximité immédiate de Pankovo, dont certains en provenance de la mer de Kara. Leur rôle logistique reste incertain, mais leur présence suggère le soutien à une opération technique de grande ampleur.

D’après Jeffrey Lewis, chercheur américain du James Martin Center for Nonproliferation Studies, citée par Reuters, « nous observons une activité intense sur le site, avec une forte concentration de matériel, d’approvisionnements et de mouvements au point de lancement ». Lewis confirme que toutes les conditions sont alors réunies pour un tir imminent.

Un historique d’échecs et d’accidents

Le missile Burevestnik traîne un passif technologique risqué. En 2018, des rejets radioactifs avaient été détectés après un essai du prototype, sans qu’aucune explication officielle ne soit fournie. En août 2019, un grave incident survenu près de Nyonoksa, lors de la récupération d’un réacteur nucléaire en mer Blanche, avait causé la mort de 5 experts de Rosatom. Ce drame avait soulevé une onde de choc jusque dans la région de Severodvinsk, où une hausse significative de la radioactivité avait été enregistrée.

Le programme d’essais du missile compte à ce jour 13 lancements, dont seuls deux sont considérés comme partiellement réussis. Les performances du système restent largement en deçà des ambitions affichées par Moscou.

L’organisation norvégienne de veille militaire NORSAR a par ailleurs alerté sur les risques inhérents aux essais de missiles propulsés par des réacteurs à cœur ouvert. Même en l’absence d’accident, de tels tests génèrent des émissions radioactives localisées susceptibles de contaminer l’environnement.

Un symbole politique pour Vladimir Poutine

Le missile Burevestnik est bien plus qu’un simple vecteur militaire : il incarne la vision stratégique de Vladimir Poutine d’une Russie technologiquement souveraine et militairement imprenable. Dès mars 2018, le président russe le présentait comme une arme « invincible », capable de déjouer tous les boucliers antimissiles.

Le 22 août 2025, Vladimir Poutine s’est rendu à Sarov, ville fermée spécialisée dans le nucléaire militaire. Selon Kommersant, il y aurait rencontré les ingénieurs du projet Burevestnik, en marge d’un événement officiellement consacré au développement industriel. Un rapport lui aurait été remis sur l’état d’avancement des essais.

Le Burevestnik, entre puissance technologique et menace invisible

L’Arctique russe est désormais le théâtre d’un renouveau spectaculaire de la course aux armements. L’île de Novaya Zemlya, jadis zone d’essais nucléaires soviétiques, redevient un terrain d’expérimentation pour des systèmes aussi redoutés que controversés. La densité des essais, la complexité logistique du déploiement et la sensibilité des équipements mobilisés confirment une volonté claire : faire du missile Burevestnik un atout opérationnel de premier plan. Mais à quel coût environnemental et politique ?

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