Israël : l’Union européenne ouvre le front des sanctions économiques

La décision annoncée le 10 septembre 2025 par Ursula von der Leyen marque un tournant politique majeur. Face à la poursuite de l’offensive israélienne à Gaza et aux violences de colons en Cisjordanie, la Commission européenne veut frapper Israël au portefeuille. Pour la première fois, Bruxelles propose de suspendre partiellement l’accord d’association qui encadre depuis vingt-cinq ans les relations économiques avec l’État hébreu. Cette démarche, inédite, dépasse le registre humanitaire : elle illustre l’ambition de l’UE d’utiliser ses leviers économiques comme instruments de puissance, dans un contexte où le langage militaire domine la scène moyen-orientale.

Sanctionner Israël au portefeuille pour peser sur le terrain

La présidente de la Commission européenne a dévoilé un plan articulé autour de deux volets. D’une part, sanctionner personnellement des ministres israéliens qualifiés d’« extrémistes » ainsi que des colons violents en Cisjordanie. D’autre part, suspendre certains avantages commerciaux prévus par l’accord d’association signé en 2000. C’est un changement d’échelle : jusqu’ici, l’UE se limitait à des condamnations verbales et à des aides humanitaires pour la population palestinienne. Pour Bruxelles, l’objectif est clair : transformer son poids économique en un instrument de dissuasion face à une politique israélienne jugée incontrôlable.

Cette évolution prend tout son sens au regard des chiffres. En 2024, les échanges de marchandises entre l’Union européenne et Israël se sont élevés à 42,6 milliards d’euros. Près de 28,8 % des exportations israéliennes étaient destinées au marché européen, tandis que 34,2 % de ses importations provenaient des Vingt-Sept. Remettre en cause ce flux commercial, même partiellement, reviendrait à fragiliser un pilier économique de l’État hébreu. Bruxelles y voit un moyen de peser directement sur les choix politiques de Tel-Aviv, en visant le cœur de son interconnexion économique.

Un signal stratégique au-delà du Moyen-Orient

Ces sanctions soulèvent de profondes divisions en Europe. L’Irlande, l’Espagne, les Pays-Bas ou encore la Suède plaident pour une ligne dure, estimant que l’Union européenne doit assumer sa responsabilité politique face aux violations du droit international. À l’inverse, l’Allemagne, la Hongrie et la République tchèque redoutent une escalade diplomatique qui pourrait isoler l’Europe sur la scène internationale. La décision finale nécessitera une majorité qualifiée au Conseil, condition qui complique encore l’équation stratégique.

Mais l’impact de ces sanctions dépasse largement le cadre israélo-palestinien. En agitant l’arme économique, Bruxelles envoie un message clair : les avantages commerciaux offerts par l’Union ne sont pas inconditionnels et peuvent être remis en cause si ses valeurs fondamentales sont bafouées. Pour les militaires et les analystes stratégiques, cela illustre une évolution : l’UE, longtemps perçue comme une puissance économique passive, tente désormais d’assumer un rôle d’acteur politique, capable d’utiliser ses outils économiques comme substitut à la pression militaire. Reste à savoir si Israël se pliera à cette pression, ou s’il choisira d’accentuer son rapprochement avec d’autres partenaires comme les États-Unis ou la Chine.

Conséquences pour la coopération militaire et technologique

Au-delà du commerce, ces sanctions pourraient avoir des effets indirects sur la coopération militaire entre Israël et l’Europe. Depuis plusieurs années, les industries de défense israéliennes participent à des programmes communs dans les domaines de la cybersécurité, du renseignement et de la surveillance. Les restrictions économiques pourraient fragiliser certains projets de recherche ou compliquer les échanges technologiques.

De plus, Israël est un fournisseur reconnu de drones, de capteurs et de systèmes de défense utilisés par plusieurs armées européennes. Si les tensions s’accentuent, ces coopérations pourraient être remises en question ou transférées vers d’autres partenaires. L’UE, en assumant ce bras de fer, prend donc le risque de se priver d’une expertise stratégique, mais elle affirme dans le même temps que ses partenariats militaires ne sont pas déconnectés des principes politiques qu’elle défend. Pour les experts de défense, ce bras de fer pourrait même redessiner la carte des alliances technologiques en Europe, au profit de partenariats renforcés avec les États-Unis ou la Corée du Sud.

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