Les signaux d’alerte se multiplient au sein de la Gendarmerie nationale. À l’approche du budget 2026, le général Hubert Bonneau dresse un constat sévère : entre bâtiments vieillissants, manque d’effectifs et véhicules hors d’âge, l’institution peine à remplir ses missions. Malgré une hausse de crédits, la marge de manœuvre reste étroite face à des besoins structurels non couverts.
Des infrastructures en déclin et un modèle immobilier à bout de souffle
Les bâtiments de la Gendarmerie nationale symbolisent les limites d’un modèle d’investissement devenu insuffisant. Le parc domanial, composé de milliers de casernes souvent anciennes, souffre d’un manque d’entretien chronique. Le budget consacré à l’immobilier atteindra 352 millions d’euros en 2026, mais il reste en deçà du seuil de 400 millions nécessaire pour simplement stabiliser la situation. De nombreuses unités fonctionnent dans des locaux inadaptés ou vétustes, ce qui affecte la qualité de vie des personnels et, à terme, la fidélisation des effectifs.
La dérive des loyers accentue cette fragilité. En quinze ans, la facture locative de la Gendarmerie a doublé pour dépasser les 620 millions d’euros. Si cette tendance se poursuit, la dépense pourrait frôler le milliard d’ici la prochaine décennie. Le général Bonneau plaide pour un changement de modèle : un système de location avec option d’achat sur vingt à vingt-cinq ans, permettant à l’État de redevenir propriétaire de ses logements et de sécuriser son patrimoine. Une réforme qui exigerait l’appui du ministère de la Défense et du ministère de l’Économie.
Des moyens humains et matériels en décalage avec les besoins
Côté effectifs, la situation reste préoccupante. Malgré la création prévue de 400 équivalents temps plein en 2026, les gendarmes ne seront toujours pas aussi nombreux qu’en 2007. Pendant ce temps, la population vivant en zone gendarmerie a augmenté de plus de trois millions d’habitants. Le ratio de personnels est désormais tombé à 2,8 pour 1.000 habitants, contre 3,2 il y a quinze ans. Le rattrapage amorcé grâce à la loi d’orientation du ministère de l’Intérieur reste partiel et peine à inverser la tendance.
Les difficultés matérielles amplifient cette tension. La flotte automobile accuse un déficit d’environ 10.000 véhicules. En théorie, un huitième du parc devrait être renouvelé chaque année ; dans les faits, à peine un tiers des remplacements ont été effectués ces quatre dernières années. Les hélicoptères connaissent une situation similaire : plusieurs appareils ont dépassé les 40 ans, obligeant à fermer temporairement certaines unités aériennes. Sans un renouvellement rapide, certaines missions pourraient disparaître, au détriment de la couverture du territoire.
Une réserve sous-financée et une gendarmerie mobile surchargée
Si la réserve opérationnelle connaît un réel engouement, ses moyens ne suivent pas la dynamique du recrutement. Les effectifs ont progressé de 33.000 à 38.000 en trois ans, mais le budget reste trop limité pour les employer pleinement. Faute de crédits suffisants, les réservistes ne sont engagés qu’une vingtaine de jours par an. Pour atteindre les objectifs fixés — trente jours d’engagement annuel — il faudrait porter l’enveloppe au-delà de 150 millions d’euros. Le potentiel est là, mais les moyens font défaut.
La gendarmerie mobile, quant à elle, subit une utilisation excessive. Sur les 116 escadrons existants, près de 80 sont mobilisés en permanence, souvent au-delà du seuil de soutenabilité. Les unités déployées outre-mer assurent des missions de sécurité publique en remplacement des forces territoriales locales, notamment en Guyane, à Mayotte ou en Nouvelle-Calédonie. Ce surengagement freine la formation, le repos et la préparation opérationnelle, au risque d’épuiser les effectifs à long terme.
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