Adopté le 25 novembre 2025 à Bruxelles, l’EDIP marque une évolution majeure dans la manière dont l’Union européenne organise désormais son industrie de défense. Ce vote massif au Parlement européen traduit l’ambition d’un bloc qui cherche, sous contrainte stratégique et industrielle, à stabiliser ses chaînes d’approvisionnement, à consolider ses compétences clés et à structurer un écosystème capable de produire plus vite, plus efficacement et plus souverainement.
Vers une capacité industrielle européenne cohérente et durable
L’adoption de l’EDIP fixe pour la première fois un cadre financier et opérationnel commun pour soutenir l’industrie européenne de défense. Voté par 457 voix contre 148 et 33 abstentions, il bénéficie d’un budget de 1,5 milliard d’euros pour la période 2025-2027, une enveloppe confirmée par le Conseil de l’Union européenne. Ce montant reste limité, mais il structure enfin un mécanisme communautaire capable de coordonner les efforts des États membres.
Afin de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, l’EDIP impose également que les composants provenant de pays tiers non associés ne dépassent pas 35 % du coût estimé d’un équipement financé par le programme, comme l’a précisé le Conseil de l’UE. Ce plafond vise à réduire une dépendance qui fragilise les industries nationales et les grands programmes multinationaux. Selon Raphaël Glucksmann, « les fonds de l’UE permettront de renforcer les capacités européennes, sans dépendance extérieure », une position cohérente avec l’objectif de souveraineté industrielle.
Une dynamique de coopération renforcée entre États membres
Pour obtenir un financement, un projet devra réunir au moins quatre États membres. Cette condition représente un tournant stratégique : elle force les pays à coopérer dès la phase de conception et limite la fragmentation industrielle qui affaiblit depuis longtemps le marché européen de la défense. Cette approche favorise l’émergence de standards communs, indispensables pour réduire les coûts, améliorer l’interopérabilité et créer des gammes de produits exportables.
La députée allemande Marie-Agnes Strack-Zimmermann rappelle d’ailleurs que l’EDIP constitue « une étape importante vers une approche plus efficace, plus rapide et véritablement européenne des achats de défense ». Grâce à cette dynamique, l’UE pourra stabiliser ses carnets de commandes, attirer davantage d’investissements privés et sécuriser les capacités critiques sur le long terme.
Un soutien direct à l’innovation et aux besoins opérationnels
L’EDIP ne se limite pas à financer des projets existants : il ambitionne de soutenir l’innovation militaire dans des domaines clés comme les drones, les munitions, les systèmes terrestres, la cybersécurité ou les capacités de défense aérienne. Le Parlement européen précise que le programme doit permettre de moderniser la base technologique de défense européenne et d’accélérer la mise sur le marché d’équipements cruciaux. Dans ce cadre, la coopération industrielle, les lignes d’assemblage et la montée en cadence seront mieux accompagnées et plus prévisibles.
Le programme prévoit également un volet spécifiquement dédié à l’Ukraine, lequel représente 300 millions d’euros au sein de l’enveloppe globale. Michael Gahler, cité par le PPE, affirme que cette dimension permettra de bénéficier « des impressionnantes capacités d’innovation de l’Ukraine démontrées dans sa lutte contre l’agression de la Russie ». Ce lien opérationnel et technologique renforce l’idée que l’UE veut non seulement soutenir un partenaire stratégique, mais aussi intégrer ses innovations de champ de bataille dans le futur dispositif industriel européen.
Une vision de long terme pour renforcer la BITDE
À moyen terme, l’EDIP doit rendre l’industrie européenne plus résiliente. Les données analysées montrent que le Parlement souhaite renforcer la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) en consolidant l’ensemble du cycle : conception, production, maintenance, innovation. Cette montée en puissance est nécessaire pour répondre à la demande croissante générée par les tensions internationales, tout en permettant au tissu industriel de l’Union de concurrencer davantage les géants extérieurs.
À long terme, le programme est pensé comme un socle préparant d’éventuels programmes communs de grande ampleur. Grâce à une meilleure coordination, l’UE veut éviter les doublons qui entravent ses capacités – plusieurs chars, plusieurs avions, plusieurs systèmes de défense sol-air – et orienter les États vers des choix industriels alignés. L’EDIP constitue ainsi un premier pas vers des projets structurants et réellement intégrés, dans lesquels les industriels européens pourraient mutualiser leurs compétences et sécuriser un volume de commandes suffisant pour stabiliser leurs investissements.
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