Le contexte international tendu oblige l’état-major français à revoir sa stratégie et ses priorités. Dans un entretien, Fabien Mandon dévoile son cap.
Le chef d’état-major des armées dévoile ses priorités
Dans un monde marqué par l’aggravation rapide des tensions géopolitiques, le chef d’état-major des armées, Fabien Mandon, fixe trois priorités majeures pour l’outil militaire français : moderniser les capacités, renforcer la résilience et adapter le format des forces. Dans son entretien accordé à Esprit Défense, il identifie la modernisation des forces comme une priorité centrale. « Les armées doivent disposer des capacités d’engagement pour le très haute intensité », déclare-t-il. Cela signifie investir dans des systèmes d’armes, des munitions, des drones, des moyens de renseignement et de frappe, dans un contexte où le temps se contracte.
L’accélération de ce programme impose un coût significatif : selon le document budgétaire du ministère, pour le programme « Préparation et emploi des forces » (P178) piloté par le CEMA, les « surcoûts liés aux opérations extérieures » sont estimés à 870 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2026. Cette priorité pèse directement sur la croissance : mobiliser des ressources matérielles et financières réduit à court terme la marge de manœuvre économique. La hausse inévitable des dépenses militaires se traduit par un effort budgétaire qui s’intègre dans une économie en ralentissement.
Résilience et format des forces
Le général Fabien Mandon place également la résilience de la nation et le format des forces au cœur de ses priorités. Il a ainsi demandé que « les armées soient prêtes à un choc d’ici trois à quatre ans ». Concrètement, il s’agit d’un renforcement de la réserve, d’un soutien logistique accru, de stocks et de munitions suffisants pour des engagements durables. Cet effort de préparation, quelle que soit l’ampleur de l’engagement, correspond à la transformation d’un outil majoritairement orienté vers des opérations de faible ou moyenne intensité en un instrument capable de faire face à un conflit majeur.
Or, ce virage a un coût indirect sur la croissance : augmenter les effectifs de réserve, multiplier les entraînements et les exercices, renforcer les infrastructures, tout cela mobilise des ressources humaines et financières. Cela peut limiter les investissements civils, ralentir l’innovation dans d’autres secteurs et peser sur la compétitivité. De plus, un format accru génère des coûts de fonctionnement supplémentaires sur le long terme.
Adapter les stratégies
La troisième priorité que fixe Fabien Mandon est l’adaptation stratégique et la réforme du format de commandement. Il insiste sur la nécessaire cohérence entre les choix stratégiques et les capacités opérationnelles : « Le chef d’état-major doit définir les formats des armées et veiller à l’adéquation entre besoins et moyens. » Cette dimension touche l’organisation interne, mais aussi l’industrie de défense et la chaîne logistique nationale. Le document budgétaire indique que le programme d’équipement des forces est piloté conjointement par le CEMA et la Direction générale de l’Armement, ce qui illustre la complexité de ce format.
Sur le plan de la croissance, cette adaptation stratégique impose un arbitrage entre dépenses immédiates et investissements à long terme. Investir dans l’outil militaire aujourd’hui peut freiner les dépenses publiques dans des secteurs générateurs de croissance, par exemple l’éducation, les infrastructures ou la transition énergétique. La croissance future est ainsi mise sous pression par le coût croissant de la guerre, voire de la préparation à la guerre.
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