Les frappes aériennes, notamment les attaques menées par drones, sont devenues un instrument central dans la guerre qui ravage le pays.
L’armée soudanaise, appuyée par des alliances extérieures, dont la Turquie, a intensifié ses opérations dans plusieurs régions densément peuplées. À la clef : des pertes civiles massives, des infrastructures détruites, et un silence international de plus en plus pesant.
El-Fasher : une ville stratégique sous les bombes
Dans le nord du Darfour, à El-Fasher , ville clé récemment tombée sous le contrôle de l’armée soudanaise, les bombardements se sont intensifiés. Utilisant des drones de dernière génération, dont le modèle turc Bayraktar Akinci, les frappes ne semblent plus distinguer cibles militaires et lieux civils. Camps de déplacés, marchés, écoles ou encore hôpitaux ont été visés.
Dans un communiqué publié en juillet, les Forces de soutien rapide (FSR) ont accusé l’armée soudanaise d’avoir mené des attaques à l’aide de drones contre les localités de Zamzam, Mellit et El-Government, provoquant des morts et blessés civils, ainsi que la destruction d’écoles, d’hôpitaux et d’abris humanitaires.
Un rapport adressé au Conseil de sécurité des Nations unies en avril 2025 par un groupe d’experts indépendants a confirmé plusieurs frappes aériennes ayant causé la mort de civils, dont deux enfants et un agent de santé à proximité de l’hôpital pour enfants Babiker Nahar.
Une présence turque de plus en plus active
Le rôle d’Ankara dans l’armement et le soutien technique à l’armée soudanaise est désormais documenté. Selon The Washington Post, la société turque Baykar a livré pour 120 millions de dollars de matériel militaire, dont au moins huit drones TB2 et plusieurs modèles Akinci de technologie plus avancée. Le quotidien affirme également qu’une équipe d’ingénieurs turcs s’est déplacée au Soudan pour superviser leur déploiement opérationnel.
Le Centre européen de lutte contre le terrorisme évoque par ailleurs l’existence d’un “groupe technique turc opérant au sol”, en coordination directe avec les forces armées soudanaises et certaines factions islamistes alliées.
Des attaques qualifiées de crimes de guerre
Dans son rapport de juin 2025, l’ONG Human Rights Watch dénonce l’utilisation de bombes non guidées larguées sur des quartiers résidentiels à Nyala, dans le sud du Darfour. “Le caractère indiscriminé de ces attaques, combiné à leur impact civil élevé, les rend assimilables à des crimes de guerre”, note l’organisation.
Dans l’État du Kordofan occidental, six civils dont des enfants ont péri lors de frappes aériennes à El-Foula et Abu Zabad.
À Tura, dans le nord du Darfour, une attaque sur un marché bondé a fait plus de 100 morts, selon l’association Emergency Lawyers, qui parle d’une “véritable boucherie”.
Influences croisées et guerre par procuration
Le soutien turc ne se limite pas à la fourniture de matériel. Il s’inscrit dans une dynamique stratégique plus large.
Lors d’un sommet diplomatique à Antalya en avril 2025, le président Erdogan a rencontré le général Abdel Fattah al-Burhan pour renforcer la coopération bilatérale.
Selon plusieurs sources, Ankara considère le conflit soudanais comme une opportunité d’élargir sa présence militaire et économique en Afrique de l’Est.
D’après Middle East Eye, les frappes menées avec l’appui de la technologie turque ont permis à l’armée de reprendre l’initiative sur plusieurs fronts, notamment à Khartoum et dans l’État d’Al-Jazirah.
Un retour des anciens réseaux islamistes ?
Plus inquiétant encore : les dernières enquêtes onusiennes évoquent la collaboration de l’armée soudanaise avec des milices islamistes issues de l’ancien régime proches de l’idéologie des Frères musulmans.
Une reconfiguration inquiétante du pouvoir en temps de guerre, qui rappelle les structures contestées par la révolution de 2019.
Pour Adam Regal, porte-parole de la Coordination des réfugiés et déplacés, “les bombardements indiscriminés contre des civils ne sont pas seulement des crimes : ils constituent une tactique de terreur”.
Une crise sans issue visible
Alors que l’armée continue de rejeter toutes les propositions de cessez-le-feu y compris celle de l’Union africaine fin 2024 et que les frappes aériennes s’intensifient, le risque d’un effondrement total devient réel.
“L’aide humanitaire n’arrive plus. La situation empire d’heure en heure”, a averti Farhan Haq, porte-parole adjoint du Secrétaire général de l’ONU.
Un pays qui s’effondre sous un ciel menaçant
Le bilan est accablant : plus de 24 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire. Des villes vidées de leurs habitants, des marchés transformés en ruines, des enfants faméliques dans des camps surpeuplés. Et au-dessus d’eux, un ciel qui ne cesse de leur promettre la mort.
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