Le 7 août 2025, un groupe de sénateurs démocrates, mené par Elizabeth Warren et Tammy Duckworth, a adressé une lettre au secrétaire par intérim de l’US Air Force, Troy Meink. En cause : un projet visant à transformer un Boeing 747-8 offert par la famille royale du Qatar en un Air Force One temporaire pour Donald Trump. Selon des estimations rapportées par la presse et contestées par l’Armée de l’air, la facture pourrait approcher un milliard de dollars (environ 921 millions d’euros), financée en partie par la réaffectation de 934 millions dollars (environ 959 millions d’euros) initialement destinés au programme de modernisation des missiles nucléaires Sentinel.
Un jet qatari au cœur d’un bras de fer politique
L’appareil, évalué à environ 400 millions de dollars (soit 369 millions d’euros) à l’achat, a été offert gratuitement par l’émirat. Mais pour répondre aux normes strictes d’un Air Force One, des modifications substantielles sont nécessaires : systèmes de défense contre les missiles sol-air, communications sécurisées, blindage électronique contre les explosions nucléaires, protection anti-espionnage.
Dans sa lettre, le groupe d’élus rappelle que Troy Meink a reconnu devant le Congrès en juin que ces adaptations seraient « significatives ». Ils l’interrogent : « En juin, vous avez déclaré que le coût de la remise à neuf du Boeing 747-8 qatari ne serait pas du tout celui du milliard de dollars rapporté. Pensez-vous toujours que c’est le cas ? »
Des fonds prélevés sur le programme Sentinel
L’un des points les plus sensibles concerne la provenance des financements. Le Pentagone a identifié 934 millions de dollars de crédits du programme Sentinel comme « disponibles » pour d’autres projets classifiés. Or, ce programme d’armement stratégique connaît déjà 81 % de dépassement budgétaire et accuse des retards importants.
Les sénateurs demandent si cette ponction risque de provoquer de nouveaux retards ou surcoûts. Ils réclament également de savoir si ces fonds financeront exclusivement le chantier du jet qatari ou s’ils seront répartis sur d’autres projets secrets.
Un coût flou et un manque de transparence dénoncés
Pour les élus démocrates, l’opacité est inquiétante : le coût total du réaménagement est classifié, empêchant toute évaluation publique de son impact sur les autres programmes militaires.
Des divergences existent sur l’estimation : selon Reuters et Business Insider, l’US Air Force estime aujourd’hui que la facture finale serait « bien inférieure » au milliard, probablement sous la barre des 400 millions de dollars.
Les parlementaires n’en demeurent pas moins sceptiques, jugeant que l’absence de transparence empêche tout contrôle budgétaire efficace.
Les soupçons de violation constitutionnelle
La lettre des sénateurs évoque un autre enjeu : la possible violation de la clause des émoluments de la Constitution américaine, qui interdit à un président de recevoir un cadeau de la part d’un gouvernement étranger sans l’approbation du Congrès.
Les élus soupçonnent que l’avion ne soit utilisé que temporairement avant d’être versé à la future bibliothèque présidentielle de Donald Trump, ce qui constituerait un avantage personnel indirect.
L’ancien président balaie les critiques : « Je ne serais pas du genre à refuser une telle offre. Je pourrais être stupide et dire : “Non, nous ne voulons pas d’un avion très coûteux gratuitement.” », rapporte The Guardian.
Une symbolique diplomatique et économique
Au-delà de la querelle budgétaire, ce don s’inscrit dans un contexte diplomatique particulier. En parallèle, la marque Trump a annoncé un partenariat hôtelier avec Qatari Diar, filiale du fonds souverain du Qatar. Pour les critiques, l’offre du jet n’est pas un simple geste d’amitié : il s’agirait d’un « palace dans le ciel » destiné à renforcer les relations avec l’administration Trump.
Le débat mêle ainsi sécurité nationale, politique étrangère et éthique présidentielle.
À moins de deux semaines de la date butoir du 20 août 2025 fixée par les élus pour obtenir des réponses, la controverse reste donc entière. Entre chiffres divergents, financement opaque et questions constitutionnelles, l’avenir du jet qatari transformé en Air Force One demeure incertain — et hautement politique.
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