L’adaptation suicide d’Insomnia. Seul Stephen King auquel vous ne survireriez pas

L’adaptation impossible d’Insomnia : vers un naufrage assuré

Publié en 1994, Insomnia de Stephen King se démarque des autres romans de l’auteur par sa trame narrative particulièrement complexe. L’histoire relate les insomnies troublantes de Ralph Roberts, veuf vivant à Derry dans le Maine.

Mais peu à peu, le lecteur découvre que ces troubles du sommeil sont en réalité liés à des événements bien plus vastes impliquant Randall Flagg, le maléfique antagoniste du cycle de La Tour Sombre. C’est là que réside tout le génie mais aussi le défi d’Insomnia.

En effet, le récit s’inscrit habilement dans l’immense toile de fond du monde de la Tour, dont les ramifications narratives s’étendent sur plusieurs romans, nouvelles et univers parallèles. Sans cette connaissance en arrière-plan, les rebondissements d’Insomnia perdent tout leur sens.

Or, transposer à l’écran cette mythologie complexe remettrait fondamentalement en cause la structure du récit, basée sur les révélations progressives liant l’histoire intime de Ralph Roberts aux desseins obscurs de Randall Flagg.

Toute adaptation serait donc contrainte soit de s’éloigner radicalement du matériau d’origine, soit de s’embourber dans d’absconses explications contextuelles pour des spectateurs néophytes.

De plus, la trame énigmatique d’Insomnia fondée sur les interrogations du héros nécessiterait d’alourdir encore le propos pour élucider chaque mystère à l’écran, au risque d’égarer le public.

Insomnia s’inscrit avec brio dans l’univers tentaculaire de La Tour Sombre, dont les ramifications littéraires sont innombrables. Au fil de 7 romans principaux, 4 nouvelles et différentes œuvres annexes, Stephen King a dépeint un monde aux contours mouvants, où se croisent et s’entrechoquent des personnages, quêtes et temporalités éparses.

Insomnia puise directement dans ce fonds foisonnant au travers du mystérieux Randall Flagg, récurrent antagoniste dont les plans machiavéliques innervent l’ensemble du cycle. Le roman dévoile peu à peu les liens ténus unissant le destin du personnage de Ralph Roberts aux manigances souterraines du Fléau.

Or cette intrigue, basée sur des révélations successives permettant de relier l’histoire intime du héros aux machinations de l’archi-malfaisant Flagg, ne pourrait être retranscrite à l’écran de façon linéaire. Une adaptation devrait soit simplifier les ramifications de l’univers de la Tour, trahissant l’œuvre, soit s’y noyer en multipliant les explications alambiquées pour le public.

De plus, l’intrigue très psychologique d’Insomnia, fondée sur les questionnements intérieurs du personnage de Ralph, nécessiterait en cinéma un alourdissement nuisible au rythme du récit pour élucider chaque énigme. Transposer cette subtilité semble irréalisable.

Bref, transposer de façon cohérente et fidèle ce bijou de narration complexe relèverait de la gageure. Les équipes de production seraient dépassées et les spectateurs perdraient rapidement pied et survies dans ce dédale d’univers entremêlés.

En définitive, l’œuvre insaisissable qu’est Insomnia condamnerait irrémédiablement toute tentative d’adaptation cinématographique à un naufrage assuré, où créateurs comme public ne manqueraient pas de sombrer. Son adaptation reste et restera donc impossible.