Les F-35 livrés à la Belgique, et coincés dans un espace aérien trop étroit

Une livraison symbolique pour la défense belge

Le 14 octobre 2025 marque une étape majeure pour la Composante Air. Ce jour-là, les premiers F-35A Lightning II ont atterri sur la base aérienne de Florennes, en Wallonie. L’événement, très attendu, concrétise la commande passée en 2018 : 34 exemplaires destinés à remplacer les F-16 vieillissants de l’armée de l’air belge. L’objectif : garantir la continuité de la mission de défense nationale et le respect des engagements au sein de l’OTAN.

Selon Lockheed Martin, 11 appareils ont déjà été livrés à ce jour, dont trois stationnés en Belgique. Le général Geert De Decker, commandant de la Composante Air, s’est félicité d’un « moment historique », affirmant que « la Belgique rejoint le cercle des nations équipées des technologies aériennes les plus avancées ». Un optimisme tempéré par un premier incident : l’un des quatre avions de livraison est tombé en panne aux Açores, contraignant les techniciens américains à immobiliser temporairement l’appareil.

Un espace aérien trop exigu pour le F-35

Ce revers logistique s’ajoute à une difficulté plus structurelle : l’espace aérien belge est trop restreint pour accueillir pleinement les entraînements de ces nouveaux chasseurs furtifs. Les couloirs aériens belges, saturés par le trafic civil et par la proximité des frontières, ne permettent pas de réaliser des manœuvres complexes ni des vols supersoniques.

Résultat : les pilotes belges continueront à s’entraîner sur les F-35 aux États-Unis, sur la base de Luke AFB (Arizona), où les conditions climatiques et la taille du territoire sont mieux adaptées. Une situation jugée paradoxale par plusieurs observateurs : la Belgique dispose désormais d’avions ultramodernes qu’elle ne peut ni exploiter pleinement ni tester sur son propre territoire. Une démonstration aérienne prévue au-dessus de Bruxelles a d’ailleurs été annulée, faute d’autorisation de survol.

Infrastructures en retard et contraintes OTAN

Au-delà du manque d’espace, les infrastructures nationales sont encore en phase d’adaptation. À Florennes, les hangars et zones de maintenance ont été réaménagés pour répondre aux standards de « cinquième génération », mais le chantier reste partiel. La seconde base, Kleine-Brogel, n’est pas encore totalement prête à recevoir les futurs appareils.

Ce décalage technique complique la planification des missions conjointes avec l’OTAN. Or, la Belgique a un rôle stratégique : elle assure la surveillance de l’espace aérien du Benelux dans le cadre d’une rotation avec les Pays-Bas. Le ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, a reconnu que « l’arrivée des F-35 impose une réorganisation profonde de nos moyens », tout en rappelant que la Belgique « reste engagée à maintenir son niveau de contribution à la défense européenne ».

Des solutions temporaires et une équation budgétaire sensible

Pour pallier ces limites, le gouvernement belge explore plusieurs pistes. D’abord, la création de nouvelles zones d’entraînement transfrontalières avec les Pays-Bas et le Luxembourg, afin d’offrir des corridors de vol plus larges. Ensuite, l’accélération de la modernisation des simulateurs de vol installés à Florennes, considérés comme un levier d’entraînement complémentaire. Enfin, la coopération renforcée avec l’OTAN doit permettre aux pilotes belges d’accéder à des exercices collectifs sur des territoires alliés.

Mais ces mesures ont un coût. Le programme global des F-35 belges représente 5,6 milliards d’euros, incluant l’achat, la formation et la maintenance. Un budget considérable pour un pays aux marges financières limitées, alors que la modernisation complète de la chaîne logistique pourrait encore repousser l’entrée en service opérationnelle à 2028. En attendant, les F-35 flambant neufs resteront partiellement cloués au sol — un symbole des défis posés par l’intégration de technologies de pointe dans un cadre national étroit.

Au sein même de la Défense belge, certains responsables pointent également le manque d’anticipation stratégique autour du programme. Dès 2019, plusieurs rapports internes alertaient sur l’inadéquation entre la densité du trafic aérien civil belge et les besoins d’un appareil aussi exigeant que le F-35, capable de franchir le mur du son et d’effectuer des manœuvres furtives à haute altitude. Selon une source militaire citée par Le Parisien, « la Belgique a acheté des avions de cinquième génération avec une infrastructure de troisième ». Cette remarque résume un dilemme plus large : comment un pays européen de taille modeste peut-il exploiter pleinement des avions conçus pour des espaces vastes et des exercices interarmées ? Pour y répondre, Bruxelles envisage de mutualiser ses zones d’entraînement avec les Pays-Bas et l’Allemagne, tout en révisant sa doctrine d’emploi pour privilégier la simulation avancée et les missions OTAN en coalition.

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