Le 30 juillet 2025, Iveco Group NV, héritier industriel du géant CNH Industrial, confirme être en discussions avancées pour céder ses deux piliers stratégiques. D’un côté, Leonardo SpA, fleuron de la défense italienne. De l’autre, Tata Motors Ltd., géant indien de l’automobile. Cette scission en cours cristallise des tensions économiques et géopolitiques, tout en s’inscrivant dans une stratégie étatique de consolidation industrielle.
Rome au centre du jeu : entre souveraineté et ouverture
La scission d’Iveco n’est pas une opération de marché ordinaire. Elle mobilise la « golden power » — le droit du gouvernement italien d’intervenir dans les secteurs jugés stratégiques. Selon Reuters, Rome exige que la branche défense d’Iveco — qui fabrique notamment des véhicules blindés LMV — reste sous pavillon national. Cette condition ouvre la voie à Leonardo, déjà contrôlé par l’État italien.
Le ministre de l’Industrie Adolfo Urso l’a affirmé sans ambiguïté : « Le gouvernement suit de près l’évolution du dossier, notamment en ce qui concerne le rôle stratégique d’Iveco et son impact sur l’emploi. », rapporte Reuters. Cette vigilance vise aussi à empêcher un transfert technologique hors d’Europe.
Une opération en deux temps, deux acheteurs, deux enjeux
Les discussions avancées portent sur une double cession :
- la division défense d’Iveco serait reprise par Leonardo pour un montant évoqué de 1,6 milliard d’euros ;
- la branche poids lourds et utilitaires serait acquise par Tata Motors Ltd., groupe indien déjà actif sur le marché européen via sa filiale Jaguar Land Rover.
Les Agnelli, propriétaires d’Iveco via Exor, ont mandaté Rothschild & Co pour piloter ces transactions. La cession pourrait être officialisée d’ici la mi-août.
Leonardo face aux défis d’une reprise militaire
Pour Leonardo, cette opération est à la fois une opportunité et un pari. L’absorption d’Iveco Defence Vehicles renforcerait sa gamme terrestre, complétant ses compétences dans l’aérien et le naval. Leonardo affronte la concurrence de KNDS, alliance franco-allemande (KMW-Nexter), également intéressée par la branche défense d’Iveco.
L’État italien soutient cependant sans ambiguïté le scénario Leonardo, jugé plus compatible avec les exigences souveraines et les chaînes d’approvisionnement locales.
Tata à la conquête de l’Europe industrielle
L’arrivée de Tata Motors dans la boucle illustre une offensive discrète mais déterminée du groupe indien sur les marchés stratégiques européens. En reprenant les activités poids lourds d’Iveco, Tata s’offrirait un réseau logistique, des sites de production italiens et une marque établie.
Selon les informations de Reuters, Tata a « formulé une proposition d’achat » et « mené plusieurs échanges approfondis avec Exor », sans qu’un accord définitif n’ait encore été validé. Cette percée, si elle se concrétise, placerait Tata en concurrent direct de Daimler Truck, Volvo et Renault Trucks.
Des incertitudes à lever : emplois, sites, technologies
Reste à savoir si Rome imposera des contreparties sociales et industrielles à ces opérations. La « golden power » autorise le gouvernement à exiger le maintien de l’emploi, la conservation des sites critiques ou encore l’interdiction de transférer certaines technologies hors du territoire.
Un précédent éclaire ce levier : l’État avait bloqué en 2023 la tentative d’absorption de l’entreprise microélectronique LPE par un fonds chinois, au nom de la sécurité nationale.
Une scission au service de l’autonomie stratégique
La scission d’Iveco marque un tournant pour l’industrie italienne. Loin d’un simple démantèlement, elle révèle une stratégie articulée autour de deux priorités : préserver un acteur de défense national fort avec Leonardo, et garantir un avenir industriel à la division civile avec Tata. Si les conditions de cession respectent les garde-fous imposés par Rome, cette restructuration pourrait devenir un modèle de transition industrielle pilotée par l’État.
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