Sécurité aérienne : les panneaux solaires, nouvelle menace pour les pilotes

L’incident d’Amsterdam-Schiphol, où une piste a dû être fermée à cause des reflets de panneaux solaires, révèle une vulnérabilité inédite pour l’aviation civile comme militaire. En France, un collectif d’experts interpelle l’État et alerte sur les conséquences potentielles pour la sécurité aérienne nationale.

Schiphol : un précédent inquiétant pour les forces aériennes

En mars 2025, l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol a dû immobiliser sa piste Polderbaan deux heures par jour, chaque matin ensoleillé. Des pilotes rapportaient une perte de visibilité en phase d’atterrissage, causée par l’éclat de milliers de panneaux solaires voisins. Cet incident a conduit à la déviation de dizaines de vols quotidiens, avec un impact direct sur la fluidité du trafic et la planification des compagnies. Au-delà du civil, l’armée néerlandaise, qui dépend des infrastructures de Schiphol pour ses mouvements logistiques, a elle aussi été affectée.

La situation a dégénéré en contentieux : 5 000 panneaux solaires ont d’abord été retirés, puis un tribunal a ordonné en juillet le démontage de 78 000 unités. Pour les spécialistes militaires, l’affaire illustre un point critique : une piste d’aviation, qu’elle soit civile ou duale, peut être neutralisée par un simple défaut de planification dans l’aménagement énergétique du territoire. « C’est loin d’être optimal », a résumé Coen George, vice-président de l’Association néerlandaise des pilotes de ligne, soulignant que des solutions auraient dû être prises en amont.

Un collectif français pour prévenir un scénario similaire

En France, la menace des panneaux solaires est prise au sérieux. Créé en juin 2025, le Bureau PV-REST (Prévention & Vigilance – Risques d’Éblouissement Solaire sur le Transport) regroupe environ 200 membres : pilotes de ligne, contrôleurs aériens, développeurs solaires, mais aussi avocats et assureurs. Leur objectif : obtenir le rétablissement d’une obligation supprimée par la DGAC en octobre 2024, celle des études d’éblouissement autour des aérodromes. Pour l’institution, il s’agissait de « simplification administrative ». Pour les militaires et les professionnels de l’aviation, il s’agit d’une faille majeure.

« Ce risque dû à l’éblouissement par des panneaux solaires est bien réel et devrait être pris en considération », alerte Anthony Madern, pilote de ligne et porte-parole du collectif. Les contrôleurs aériens rappellent que l’absence de réglementation place désormais la responsabilité juridique sur les seuls développeurs. Une logique dangereuse, qui expose aussi les infrastructures aériennes stratégiques : bases de l’armée de l’air, plateformes de projection logistique ou encore aérodromes utilisés pour les opérations conjointes.

Sécurité nationale et disponibilité opérationnelle en jeu

La question dépasse le simple cadre énergétique. Dans le domaine militaire, la disponibilité d’une piste est un facteur critique. Une fermeture quotidienne, même limitée, compromet la réactivité en cas de crise. Pour un escadron, perdre deux heures de créneaux peut signifier reporter une mission d’entraînement, retarder un vol tactique ou immobiliser des appareils destinés à des opérations extérieures. Or, la menace d’éblouissement par des panneaux solaires n’est pas théorique : elle a déjà neutralisé une infrastructure aéroportuaire majeure en Europe.

Les doctrines aériennes reposent sur une exigence constante de visibilité et de sécurité lors des phases d’approche. Un reflet non anticipé peut avoir le même effet qu’un brouillage optique : gêner le pilote, compliquer l’atterrissage, voire provoquer un incident. « La DGAC a fait le choix d’aller à contresens du principe de précaution », dénonce Marceau Leroux, directeur France d’Enerparc. Pour les militaires, il s’agit d’un problème de souveraineté : laisser des installations énergétiques civiles affaiblir la sécurité aérienne, c’est exposer l’ensemble du dispositif de défense.

Entre solutions techniques et impératif de précaution

Les alternatives existent mais elles sont coûteuses et limitées. Les panneaux à verre texturé profond, capables d’absorber la lumière plutôt que de la réfléchir, entraînent un surcoût pouvant atteindre 50 %. Les films anti-reflets biomimétiques sont encore marginaux. Reste l’ajustement de l’inclinaison des panneaux, une mesure qui suppose d’anticiper dès la conception. Sans étude préalable, corriger un parc existant relève du casse-tête. Or, une étude d’éblouissement ne coûte que 3 500 euros et se réalise en deux semaines, contre 100 000 euros et plusieurs années pour une étude environnementale classique.

Le collectif PV-REST insiste donc sur l’urgence de rétablir une réglementation stricte. Pour lui, il en va autant de la sécurité aérienne que de la crédibilité de la filière photovoltaïque. « Un seul incident grave pourrait lourdement affecter tout le secteur », rappelle le groupement. Pour les forces armées, la leçon est claire : la transition énergétique ne doit pas créer de vulnérabilités nouvelles dans la maîtrise de l’espace aérien.

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