SIPRI : les dépenses militaires atteignent des sommets dans le monde

L’année 2024 a marqué un tournant historique pour l’industrie mondiale de la défense avec une hausse record des dépenses militaires, selon les derniers chiffres publiés dans le SIPRI Yearbook 2025. Pour la dixième année consécutive, les budgets militaires globaux ont progressé, atteignant un total de 2 718 milliards de dollars, soit une augmentation de 9,4 % par rapport à 2023. Cette poussée s’inscrit dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes, d’instabilité régionale et de conflits armés de haute intensité, notamment en Ukraine, au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne.

Défense : Le ratio dépenses/PIB atteint 2,5 %

L’indicateur du fardeau militaire mondial, qui rapporte les dépenses militaires au PIB global, a augmenté à 2,5 %, contre 2,3 % l’année précédente. Les pays engagés dans des conflits majeurs ont affiché un ratio moyen de 4,4 %, bien supérieur aux 1,9 % des États non impliqués dans des hostilités significatives.

L’Europe s’est distinguée comme la région ayant connu la plus forte progression relative (+17 %), portée par des hausses spectaculaires en Allemagne, en Pologne, en Suède ou encore aux Pays-Bas. Cette dynamique est en grande partie liée au soutien militaire à l’Ukraine et à l’anticipation d’un conflit prolongé avec la Russie. À l’est, la Chine a poursuivi son expansion militaire avec un budget en hausse de 7 %, culminant à 314 milliards de dollars, tandis que le Japon a franchi un cap historique avec une augmentation de 21 %, la plus importante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les États-Unis restent, sans surprise, le premier acheteur mondial, avec un budget militaire de 997 milliards de dollars, soit à eux seuls 36,7 % des dépenses globales. Ce chiffre équivaut à 3,2 fois celui de la Chine, leur plus proche « concurrent ».

632 milliards de dollars de chiffre d’affaires

Dans le sillage de cette hausse des budgets de défense, les entreprises du secteur ont enregistré une croissance substantielle. En 2023 (dernière année disponible précise le SIPRI), les 100 plus grandes sociétés d’armement recensées par le SIPRI – le « Top 100 » – ont généré un chiffre d’affaires total de 632 milliards de dollars, en progression de 2,8 % sur un an. Une large majorité d’entre elles (73) ont vu leurs revenus augmenter, et 39 ont enregistré une croissance à deux chiffres, confirmant la vitalité de la demande pour les équipements militaires et services associés.

Les entreprises américaines dominent toujours largement le classement, avec 41 sociétés représentant la moitié du chiffre d’affaires total du Top 100. Les cinq premières places sont occupées exclusivement par des géants américains : Lockheed Martin, RTX (ex-Raytheon), Northrop Grumman, Boeing et General Dynamics. Ensemble, ces cinq groupes concentrent à eux seuls près du tiers des revenus mondiaux du secteur. La Chine maintient sa place de deuxième puissance industrielle, avec neuf entreprises dans le Top 100, dont trois dans le top 10 : AVIC, NORINCO et CETC, pour un chiffre d’affaires cumulé de 103 milliards de dollars.

Les entreprises russes sont, quant à elles, sous-représentées. Seules deux sociétés figurent dans le classement, notamment Rostec, dont les revenus ont néanmoins bondi de 40 %, signe d’un effort de réarmement massif en réponse aux sanctions et à l’isolement international. Ce chiffre reste toutefois inférieur à ses homologues occidentaux et asiatiques.

Un phénomène marquant est celui de la reconfiguration industrielle par fusions et acquisitions, particulièrement visible en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. Ce mouvement est accéléré par des taux d’intérêt historiquement bas jusqu’en 2023 et un appétit croissant pour les capacités à haute valeur ajoutée : drones armés, systèmes électroniques embarqués, guerre cognitive, cybersécurité et plateformes autonomes pilotées par intelligence artificielle.

État des lieux des transferts d’armes : stabilité trompeuse

Contrairement aux dépenses et à la production, le volume global des transferts internationaux d’armement reste relativement stable depuis 15 ans. Entre les périodes quinquennales 2015–2019 et 2020–2024, la variation n’est que de –0,6 %, bien que le volume reste le deuxième plus élevé depuis la fin de la guerre froide. Cette stabilité apparente masque toutefois une transformation radicale de la géographie des échanges et des dynamiques stratégiques sous-jacentes.

Le SIPRI identifie trois facteurs majeurs de cette inertie globale : la longueur des cycles d’acquisition, le développement de productions nationales dans de nombreux pays importateurs (comme la Chine, l’Inde ou la Turquie), et les contraintes budgétaires post-Covid dans certaines régions.

Mais si le volume mondial stagne, les flux régionaux évoluent fortement. L’Europe a vu ses importations d’armements bondir de +155 % entre les deux périodes quinquennales. Cette explosion est directement liée au soutien massif à l’Ukraine, qui devient à elle seule le premier importateur mondial pour 2020–2024, avec une hausse de ses importations par 100 fois par rapport à la période précédente. À l’inverse, l’Asie-Océanie, pourtant longtemps locomotive du commerce d’armes, affiche une baisse de –21 %, et le Moyen-Orient, –20 %.

Côté exportateurs, les États-Unis renforcent leur suprématie avec 43 % des exportations mondiales, loin devant la France (9,6 %), la Russie (7,8 %), la Chine (5,9 %) et l’Allemagne (5,6 %). Notons que les exportations russes ont été divisées par deux sur la période, du fait de l’isolement diplomatique, des sanctions et des contraintes industrielles internes. La France s’impose désormais comme le deuxième exportateur mondial, notamment grâce à ses ventes dans le Golfe, en Inde et en Indonésie.

Les données de 2024 mettent en lumière une transformation profonde de l’industrie mondiale de défense. L’augmentation des budgets, la modernisation des arsenaux, la multiplication des conflits et la complexification technologique repositionnent les grands acteurs industriels et étatiques dans un environnement de plus en plus polarisé et compétitif. La défense redevient un levier majeur de souveraineté, d’influence et de sécurité stratégique.

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